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Une bibliographie en trois sections sur la « culture d’en bas » au Canada

La section I de cette bibliographie, mise en ligne en mars 2008, répertorie les sources primaires francophones et anglophones qui donnent une voix aux vies et aux histoires des domestiques, des prisonniers et prisonnières, des prostitués et prostituées, des sans-emploi, des sans-abri et de ceux et celles qui bénéficient de l’aide sociale, tout en passant par la politique radicale et la culture jeunesse. Ces « voix d’en bas » se font entendre autant dans la haute culture que dans la culture populaire du Canada. Pour cette raison, la bibliographie comprend des genres aussi variés que le roman, la nouvelle, la biographie, le reportage, le film, l’essai personnel, le théâtre et la poésie, et ce en français et en anglais.

La section II de cette bibliographie, mise en ligne au printemps 2009, présente une liste de sources secondaires sélectionnées à partir des théories d’analyse et de compréhension des représentations de la « culture d’en bas ». Elle comprend des sources canadiennes et internationales pour permettre une plus large conceptualisation du sujet, afin d’aider à la compréhension des représentations des domestiques, des prisonniers et prisonnières, des prostitués et prostituées, des sans-emploi, des sans-abri et de ceux et celles qui bénéficient de l’aide sociale ainsi que de la politique radicale et de la culture jeunesse.

La section III de cette bibliographie, également mise en ligne au printemps 2009, se concentre sur les femmes dans le besoin, les femmes dans la rue et les femmes « en service ». Elle contient des témoignages et des histoires, tant par les sujets que sur les sujets, soit des femmes pauvres et des femmes sur l’aide sociale, soit des prostituées, des femmes sans-abri et des domestiques dans la culture canadienne et québécoise. On y trouvera aussi une sous-section sur la théorie du savoir radical, énumérant une liste de sources internationales permettant d’interpréter les témoignages de ces groupes de femmes.


Qu’est-ce que la « culture d’en bas »?

L’idée de la « culture d’en bas » a vu le jour en études culturelles britanniques au milieu du vingtième siècle, mais le sentiment d’infériorité ressenti par la hiérarchisation des pouvoirs sociaux et du statut remonte très loin et existe dans l’imagination populaire.

Bien que le concept soit tombé en désuétude depuis un certain temps, la « culture d’en bas » reste un concept prometteur pour aider à décrire la sous-culture et la contre-culture de certains et certaines exclus(es) de la société qui rencontrent des difficultés économiques ou qui sont privés de leur voix à cause de leur classe, de leur statut ou de leur positionnement économique. Dans ses débuts, le concept servait à décrire la culture de la banlieue et de la classe ouvrière britannique, et ce surtout par la critique marxiste et la jeune école dite « culturaliste » qui émergeait du domaine des études culturelles britanniques (Thompson, Hoggart, Williams, Hall et al.). Plus tard, les études faites en Angleterre se transformèrent en études de sous-cultures afin d’inclure des groupes identitaires locaux et fragmentés (Hebdige, Hall et al.).

En revanche, les études culturelles canadiennes ont longtemps évité une identification avec les groupes dépourvus de représentation économique et des groupes pauvres (Blundell et al.). On peut noter que le concept de « culture d’en bas » fut souvent mis de côté au profit des notions de classe « populaire » et « de masse », de même que pour des considérations ethniques et d’identités sexuelles.

Ce projet de bibliographie adapte le concept de « culture d’en bas » aux contextes canadiens. Afin de permettre une meilleure compréhension des différentes voix des groupes défavorisés dans un contexte économique et social en constante mouvance, il développe un modèle moins homogène et moins nostalgique que celui de la classe ouvrière du passé qui n’est pas celui des catégories de classes stables. De cette manière, le projet ne laisse pas la culture de la classe ouvrière de côté mais l’englobe.

Afin de mieux comprendre la « culture d’en bas », la bibliographie inclut les voix de ceux et celles qui sont autant en haut qu’en bas, et ce dans le but de dresser un portrait plus complet de l’image que la société s’en fait. Les études littéraires canadiennes accordent relativement peu de place aux personnes marginalisées par l’économie dans un pays riche. Cette bibliographie cherche à démontrer l’importance des représentations de la « culture d’en bas » dans la fiction canadienne, la biographie, la poésie, la littérature-jeunesse, le film, le théâtre et le reportage.

 

Projets de recherche par Roxanne Rimstead
Disturbing Memories: Counter Memory and Culture from Below (bourse de recherche CRSH 2005-2009)

Comment les sans-emploi, les prisonniers et prisonnières, les jeunes et les radicaux politiques sont-ils marginalisés ou délaissés au sein de la nation? Comment ces sujets se remémorent-ils leurs propres expériences et comment résistent-ils à l’exclusion via la « contre-mémoire »? Le souvenir et l’oubli sont des stratégies de développement et de création d’un sens d’identité nationale favorable.

Les expériences répétées du passé, sous la forme d’histoires officielles, de stéréotypes, d’images visuelles et de documents gouvernementaux, servent à définir et à positionner « l’autre » au plan culturel, en rapport aux plus puissants groupes de la nation. Les groupes économiquement ou politiquement marginalisés peuvent être assujettis à un « oubli organisé » ou à une amnésie culturelle si leur dissension dérange l’image nationale de la nation riche et prospère.

Les sujets démunis et les radicaux politiques posent, comme moyens de résistance, des gestes de « contre-mémoire » qui défient non seulement leur marginalisation, mais aussi le rêve canadien et la méritocratie. Quand des « souvenirs dérangeants » sont rapportés dans des biographies, des romans, des autobiographies, des poèmes, des histoires orales, de l’art des rues, du graffiti et par film, ces « souvenirs » ont le pouvoir de remettre en question l’image nationale. Qu’elles soient visuelles, textuelles ou orales, ces performances du passé doivent être considérées selon les formes culturelles par lesquelles elles sont exprimées et selon les politiques culturelles par lesquelles elles sont entendues et lues dans le présent.

Cette étude a pour but d’offrir à la communauté étudiante, aux professeurs et professeures, activistes politiques et agents et agentes de justice sociale la possibilité de démocratiser la connaissance de la « culture d’en bas » et de critiquer la relation entre les actes mémoriels et les possibilités politiques. L’étude offre également aux étudiants et étudiantes une introduction et une critique de la culture mémorielle et de la « culture d’en bas » en tant que domaines de recherche.

Cette recherche représente l’initiative de trois champs de connaissance qui sont pour l’instant sous-représentés dans les études culturelles canadiennes - la pauvreté et les études de la classe ouvrière, les études comparatives entre les cultures française et anglaise et le domaine émergeant des études de la mémoire. De plus, au moins quatre aspects de la problématique sont d’un intérêt allant au-delà des frontières nationales: le raffinement des théories de la mémoire culturelle en rapport avec les sujets économiquement marginalisés, le développement de stratégies originales de lecture approfondie; une discussion sur la manière dont les formes culturelles structurent les actes de mémoire et vice versa; et la problématisation de la catégorisation du concept de « culture d’en bas ».

Un site web accessible au public offrira une bibliographie commentée et accompagnée d’images, de travaux et de critiques qui pourront être consultées par les professionnels et le public en général. Les lectures critiques formeront la base d’une étude illustrée sous la forme d’un livre qui traitera des actes mémoriels et des stratégies de lecture.

 

L’interprétation des témoignages, des autobiographies et des récits littéraires comme savoir radical : les récits de pauvreté sur les femmes dans le besoin, les femmes dans la rue et les femmes « en service » (FQRSC Programme d’appui aux projets novateurs 2006-2008)

Cette étude interdisciplinaire a pour but de récupérer et de reconstruire le savoir radical concernant quatre groupes spécifiques de femmes défavorisées et l’espace social qu’elles occupent au Canada et au Québec, tout en tenant compte des questions éthiques qu’entraîne une telle construction du savoir. Elle le fera par le biais de stratégies de lecture des sciences sociales appliquées à la pauvreté.

Ce projet répond aux tentatives actuelles des critiques littéraires et des spécialistes en sciences sociales qui cherchent à comprendre le point de vue des femmes qui ont accès à l’aide sociale, des femmes sans-abri, des domestiques et aussi des prostituées en recueillant leurs propres histoires. L’étude tient également compte des problèmes épistémologiques liés à la représentation d’expériences et à la création de vérités basées sur ces expériences (Ireland).

L’étude vise trois objectifs généraux :
1. Analyser la manière dont ces femmes créent un sens à leur expérience, se bâtissent une identité et se greffent à  une communauté en rapport à des expériences en aide sociale, en travail domestique, en itinérance et dans le marché du sexe.

2. Interpréter les réactions des lecteurs et lectrices face à ces histoires et voir comment ces réactions peuvent donner une signification à ces ouvrages littéraires, à ces icônes sociales et aux documents officiels qui traitent de ces femmes.

3. Comprendre comment ces textes narratifs peuvent devenir des formes alternatives de savoir pour générer un plaidoyer et la création de politiques.

Ces quatre groupes forment le point central de la recherche puisque la littérature portant sur les domestiques, les prostituées, les vagabondes et les mères sur l’aide sociale est incontournable et puisque les espaces sociaux qu’elles occupent sont particulièrement problématiques. Plusieurs représentations péjoratives et contraignantes de ces femmes se sont ancrées dans le langage de la formation de politiques, dans l’opinion publique, dans les recherches académiques ainsi que dans la représentation que ces femmes se font d’elles-mêmes. Ce projet mènera à la rédaction d’un livre « culturel » et d’un site web public destinés aux fournisseurs et fournisseuses de services et aux chercheurs et chercheuses en sciences humaines. Il est à espérer que les femmes vivant dans la pauvreté ainsi que celles qui s’en sont sorties et qui veulent raconter leurs histoires pourront également profiter du site.